« Le label Swing – Premières années 1937-1939 » par le Hot Club de France

Ce coffret reprend quelques-unes des premières parutions de la marque Swing fondée en 1937 qui a permis à Hugues Panassié et Charles Delaunay d’enregistrer les musiciens de leur choix. Cette sélection exclut certains titres, tels ceux de Django Reinhardt, trouvables sur d’autres rééditions Frémeaux. Le CD 1 qui réunit des enregistrements de 1937 s’ouvre avec Teddy Weatherford. Cet excellent pianiste (1903-1945), avantageusement estimé à Chicago, choisit très tôt de vivre en Asie. Au cours d’une visite à Paris, il enregistra cinq titres le 23 juin plus deux autres le 20 juillet et cela constitue la quasi-totalité de sa discographie. Ce musicien, bien oublié aujourd’hui, se révèle excellent : dans un style alerte et robuste il swingue de façon réjouissante dans « I ain’t got nobody, Tea for two, Maple Leaf rag » et joue le blues avec un feeling très prenant dans « Weather beaten blues ». Les deux plages réservées à Pierre Allier se contentent d’une musique douce ou sautillante selon le tempo. Dicky Wells, venu à Paris comme membre de l’orchestre de Teddy Hill, dirige le 12 juillet une intéressante séance faisant appel à quelques-uns de ses partenaires habituels. La série débute par deux standards, « I’ve found a new baby »avec brillantes interventions d’Howard Johnson à l’alto et de Dicky Wells au trombone, qui récidivent dans « Dinah », prestement enlevé. Viennent ensuite deux blues semi-lents. « Nobody’s blues but my own » s’ouvre sur deux chorus d’Howard Johnson d’une superbe envolée, puis deux chorus chargés d’émotion du pianiste Sam Allen, un chorus du trompette Shad Collins et un de Dicky Wells. Sur un thème simple mais bienvenu, « Hot club blues » offre une suite de bons chorus, piano trombone, alto, trompette (par Bill Dillard) et ensemble. Dicky Wells se réserve les deux derniers morceaux : dans « Lady be good » il accorde un petit espace au piano et dans « Dicky Welles blues » il montre sans interruption une flamme impressionnante. Alix Combelle enregistre cinq faces à la séance du 4 octobre avec bill Coleman en invité, excepté dans les deux derniers titres. Une rythmique lourdaude engourdit les deux souffleurs et rien d’attractif ne ressort de ces prestations. Ensuite « I’m coming Virginia » met en vedette l’excellent trompette Philippe Brun ; il possède une belle sonorité et un accent Louis Armstrong séduisant, mais une certaine retenue entraîne un déficit de swing d’autant qu’un pianiste pataud ne lui facilite pas la tâche. Hugues Panassié tenait en haute estime le poète Pierre Reverdy, trouvant dans ses textes une correspondance avec le jazz. Il le persuada de lire un de ses poèmes accompagné par la trrompette de Philippe Brun et la guitare de Joseph Reinhardt, d’où ce « Fonds secrets », resté longtemps confidentiel, sur lequel se termine le CD 1.
CD 2 : un Django éblouissant ouvre « Swingin’with Django », puis Stéphane Grappelli intervient, superbe, d’une élégance aérienne ; un second violoniste, Michel Warlop, exceptionnellement invité, se manifeste ensuite dans un style bien différent, au développement véhément et imprévisible. Sur les cinq plages suivantes figure la production de la séance du 12 novembre 1937 de Bill Coleman entouré de Stéphane Grappelli et d’une rythmique efficace. Bill Coleman, constamment au premier plan dans « Indiana », expose le thème à la trompette puis le chante et conclut en jouant deux chorus d’une belle envolée ; dans ce morceau Grappelli tient le piano, mais il revient au violon pour la suite de la séance. Sur « Rose room » il épaule magnifiquement la trompette de Bill Coleman dans le premier et le dernier chorus, entre-temps la trompette et le violon prennent chacun un chorus plein de flamme. Sur « Bill Street blues » se déroule un autre moment fort captivant : après que la trompette ait pris deux chorus puis le violon également, les deux instruments dialoguent en 2/2 de manière excitante au cours des deux derniers chorus. « After you’vegone » sonne de manière quelque peu fébrile et dans « The merry-go-round broke down » se remarque surtout l’aisance réjouissante de la trompette. Philippe Brun, accompagné par la seule guitare de Joseph Reinhardt, se montre plutôt grandiloquent dans « Broken-hearted blues », en revanche il joue remarquablement avec éclat et mobilité dans « When you’re smiling » et « If I had you » en compagnie d’Alix Combelle très plaisant au ténor. Ensuite « Honeysuckle rose » débute et se termine illuminé par le violon d’Eddie South, incomparablement souple, aérien et mélodieux. Les huit plages suivantes proviennent d’une séance du 9 mars 1938 réservée à Garland Wilson, brillant pianiste très inspiré mais au timing assez fluctuant. Il joue le blues de façon fort captivante sur « The blues got me » et « The blues I love to play ». Moins intéressants, « You showed me the way » et « Sweet Lorraine » manquent le premier de cohérence, le second de tonus. « Bei mir bist du schön » abonde en passages agréablement swingués et « Blue morning » est éxécuté au célesta. Michel Warlop rejoint Garland wilson pour les deux dernières interprétations dans lesquelles les duettistes se montrent bien peu détendus. Le ‘drumming’ de Kaiser Marshall propulse fermement la formation de Bobby Martinet constitue l’attraction principale de « Crazy rhythm ». Le CD 2 s’achève sur trois faces enregistrées le 15 mars 1938 ; l’orchestre fournit une musique quelque peu sautillante  où l’on retient, dans « What’ll I do », un brillant solo d’alto au style expressif et personnel dû à Fletcher Allen, qui ne participe pas à la dernière plage.
Les trois premières plages du CD 3 proviennent d’une séance du 15 mars 1938. Un petit orchestre dirigé par Pierre Allier se manifeste dans « Peter’s stomp » où se remarque surtout le solo d’Alix Combelle au ténor. Celui-ci ne conserve que le bon pianiste, Ray Stokes, et le batteur pour les deux morceaux suivants, ce qui permet d’apprécier longuement la richesse de sa sonorité et la pertinence de son discours que le tempo soit modéré dans « Al’s idea » ou vif dans « Don’t get forget ». Les quatre plages suivantes reviennent à un groupe réuni par Eddie Brunner le 13 juin 1938. Soutenus par Toto Grasset (b) et l’efficace ‘drummer’ Tommy Benford, les participants apparaissent en solo dans « Montmartre blues », tour à tour Eddie Brunner (cl), Oscar aleman (g), Noël Chiboust (ts), Herman Chittison (p), Bill Coleman (tp) et Alix Combelle (ts). Bill Coleman s’impose comme la vedette du groupe ; en grande forme, il joue avec une fougue et une envolée enthousiasmantes, déjà dans « Margie », mais plus encore dans « In a little Spanish town » et « I double dare you » où il swingue avec une flamme irrésistible. Alix Combelle prend un solide chorus de ténor dans « Margie » et « In a little Spanish town ». Le brillant pianiste Herman Chittison enregistra les cinq excellentes plages suivantes.
Par le HOT CLUB DE FRANCE