Le pianiste travaille en architecte musical par Jazzman

François Tusques poursuit son « bonhomme de chemin » en marge des modes. Peu préoccupé par la brillance des surfaces qui semble accaparer ses contemporains, il va, tout simplement à l’essentiel avec expérience(s) et bagage(s) et se contente de dire des choses importantes. Le pianiste et compositeur rencontre ici l’univers de Julio Cortázar au travers de pièces originales (augmentées de quelques thèmes-clés) où transparaissent les musiciens qu’aimait l’écrivain argentin et que fait vivre Tusques dans sa musique : Earl Hines, Bud Powel, les trois Charlie (Parker, Christian et Mingus), Billie Holiday et Duke Ellington…et le tango originel. Ennemi de la surenchère et de la démonstration, le pianiste travaille en architecte musical, mais la construction resterait sèche s’il ne savait faire tournoyer, rebondir, éclairer, chanter la note ; s’il n’enrichissait pas la structure par l’amour du texte et de la musique, par la joie et la jubilation. Pour accompagner ses solos, François Tusques a convié parfois Bernard Vitet et sa trompette, Cesar Stroscio et son bandonéon, Isabel Juanpera dont le chant sonne beaucoup plus juste dans le tango que dans l’hommage à Billie Holiday. Enfin, la voix de Cortázar lui-même, extraite d’une interview de Jacques Chesnel naguère publiée dans Jazz Hot, apporte s’il en était besoin la conclusion d’un beau disque.
Par Jean BUZELIN – JAZZMAN