De fin 1955 à 1957, Little Richard a marqué à jamais la musique populaire mondiale, s’inscrivant comme le plus grand artiste noir du rock and roll. Personne n’a eu autant de hits et créé de standards en si peu de temps, entre sa première session Speciality en novembre 1955 et la dernière en octobre 1957. Chuck Berry, Larry Williams ou d’autres ont eu la créativité mais pas cette densité temporelle. Durant cette période, tout le monde reprendra les chansons de Little Richard, mais lui ne reprendra personne. Il n’avait pas besoin, se suffisant à lui-même. Il n’a bien sûr pas tout inventé, il a lui aussi été influencé par d’autres, comme Billy Wright, mais il a su, par un alliage musical, mental et comportemental unique, cristalliser les forces du rock and roll et les goûts de la jeunesse pour en faire un météore artistique dont la queue n’a toujours pas disparu du ciel. A l’instar d’Elvis Presley, il devint prisonnier d’un royaume musical et spectaculaire, dont il n’est jamais vraiment sorti, sauf pour quelques périodes religieuses dont la brusquerie et la brièveté soulignent en creux tout ce qu’il était dans le monde séculier. L’âge d’or du rock and roll, au sens créatif et frais de l’expression, fut bref, quasi éphémère, Little Richard et ses hits concentrés en un an et demi en sont l’archétype. En octobre 1957, déchiré entre son éducation religieuse, ses outrances musicales et scéniques et une vie harassante, il lit le lancement du Spoutnik comme un signe divin et abandonne le rock and roll en pleine tournée australienne. Le coffret Frémeaux couvre la carrière de Little Richard depuis ses débuts en 1951 jusqu’en 1962. Il contient donc des faces RCA-VICTOR (1951-52), Peacock (1953), Speciality (1955-57), mais aussi des faces Gospel End et Goldsic (1959), Mercury (1961) et Atlantic (1962), jusqu’au sessions Little Star de 1962, où il retrouve plus ou moins clandestinement son groupe de scène The Upsetters, qui précédèrent selon certains, ou succédèrent selon d’autres à une tournée en Angleterre dont le succès le persuada de revenir au rock and roll […]. Christophe MOUROT – SOUL BAG