Rarement une reine aura autant dominé son siècle. La vie d’Aliénor d’Aquitaine fut tout d’abord exceptionnellement longue (1122-1204). Elle reste surtout connue pour avoir gouverné un vaste territoire, l’empire Plantagenêt, qui comprenait l’Angleterre, une partie de l’Irlande et du Pays de Galles, les comtés d’Anjou et du Maine, ainsi que l’Aquitaine. Son personnage de femme insoumise a, lui aussi fait couler beaucoup d’encre. Composer une biographie de cette femme puissante relève pourtant de la gageure, tant elle a été malmenée par l’historiographie. Jusqu’au XIXe siècle, les chroniqueurs l’accusèrent de toutes les transgressions – Jules Michelet, qui n’échappait pas aux poncifs de son temps, écrivait qu’elle était « passionnée et vindicative comme une femme du Midi ». Dans une biographie politique à la fois riche et concise, Martin Aurell, professeur d’histoire médiévale à l’université de Poitiers, la dégage cependant de sa légende noire de débauchée, en reprenant à nouveaux frais la documentation fragmentaire qui la concerne. Se gardant de lui prêter de quelconques traits psychologiques, il s’applique à montrer que la vie maritale et la maternité étaient loin d’être les seuls horizons de la reine. Cette mère de onze enfants entreprit en effet de nombreux voyages avec son premier époux, Louis VII – de la Sicile jusqu’en Terre sainte – puis avec son second, Henri II d’Angleterre - du mur d’Hadrien aux Pyrénées. L’historien démontre que si elle fomenta une révolte contre ce dernier, en 1173, c’était en réaction à son autocratie. Ce conflit lui vaudra de rester quinze ans en captivité. Devenue veuve, elle s’attachera à défendre le pouvoir de ses fils, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. Le portrait fin d’une femme de pouvoir qui a marqué le Moyen Age.
Par Antoine FLANDRIN – LE MONDE
Par Antoine FLANDRIN – LE MONDE