Certains se souviennent peut-être des Frères Jacques vantant les vertus de l’eau de Badoit, il y a de cela vingt-cinq ans. Les quatre « frères », qui ne l’étaient pas, étaient là à la fin d’une carrière longue de 36 ans au cours de laquelle ils avaient façonné leur image des quatre mimes chantant sous des bacchantes, dans des justaucorps de couleur, portant gants blanc et hauts-de-forme. Ces Arsène Lupin de la chanson réaliste dévoyée ravissaient le cœur des petits et des grands avec des chansons ballets aussi désopilantes que La confiture (ça dégouline, ça passe par les trous de la tartine), la ceinture (cette invention peu pratique obligée dorénavant d’être attachée dans les automobiles) ou plus sublime encore, Monsieur Lepetit le chasseur : l’histoire d’une femme qui braconne les amants pendant que son mari chasse la souris blanche en Seine inférieure : « La femme du chasseur / Dans son grand lit blanc / La femme du chasseur / Accueille son amant ». Mais nos quatre Groucho (le cinquième étant le pianiste) n’étaient pas que des petits rigolos, et sur des musiques de Joseph Kosma et des textes de Jacques Prévert, délivraient des merveilles comme Les Halles de Paris et leur « fille aux yeux de ciel ». Les éditions Frémeaux viennent de rééditer 3 CD qui reprennent les premiers récitals (1948-1959) sans les merveilles citées plus haut. On trouve tout de même La belle Arabelle, mais d’autres chansons montrent la verve humoristique dont cette bande des quatre faisait preuve dès ses débuts : Le général castagnettas, Le complexe de la truite ou le tango interminable des perceurs de coffres-forts…rappellent une époque disparue, celle des cafés-concerts parisiens, où de leur accent rocailleux posé sur de fausses valses, les quatre faux frères faisaient le Jacques…
Par Bernard ROISIN – QUOTIDIEN DU MEDECIN
Par Bernard ROISIN – QUOTIDIEN DU MEDECIN