« Les greniers de la Mémoire » par Karine Le Bail & Philippe Tétart, diffusé dimanche de 11h à 12h.
Conçus en 1994 par Karine Le Bail et placés sous le signe de l’archive radiophonique, « Les Greniers de la Mémoire » font, tel un passeur de mémoire, revivre des trajectoires croisées : celle de la radio et celles des créateurs… © FRANCE MUSIQUE
Conçus en 1994 par Karine Le Bail et placés sous le signe de l’archive radiophonique, « Les Greniers de la Mémoire » font, tel un passeur de mémoire, revivre des trajectoires croisées : celle de la radio et celles des créateurs… © FRANCE MUSIQUE
« La propagande de Vichy et la presse de la collaboration les prirent pour cible. Habillés de chic et de choc, tout de large vêtus, portant parapluie (fermé) et coiffure excentrique, les zazous jetèrent un vent de liberté et de fronde adolescente sur la France de l’Occupation et de la Révolution nationale. Les Greniers de la mémoire nous font revivre aujourd’hui cette mode du temps de la Deuxième Guerre mondiale, indissociable de la musique « swing », que chanta avec humour Charles Trenet en 1942.
En lui-même, le mot « zazou » provient d’un morceau de Cab Calloway Zaz Zuh Zaz (1933). Avec Benny Goodman ou Lionel Hampton, Calloway fut le chef de file du swing, style de jazz faisant la part belle aux solos et aux rythmes effrénés. À la fin des années 1930, le swing se fait connaître du public français. En 1938, Benny Goodman et son orchestre viennent en stars américaines et Johnny Hess chante Je suis swing.
Dès le début de l’Occupation, de jeunes parisiens, de bonnes familles le plus souvent, continuent à « être swing ». Vaguement contestataires, certains parmi eux se promènent avec deux gaules ou s’habillent à la mode britannique… Mais, avant tout, les « swings » cherchent simplement à s’amuser, se retrouvant dans les cafés « branchés » du Quartier latin ou des Champs-Élysées. Les fêtes privées – les « surprises-parties » – et autres bals clandestins sont également les lieux propices pour écouter du jazz, danser et goûter au délice de l’interdit. Le « zazou » est à la mode. En être, c’est être dans le « coup », contrarier ses parents et le régime en place. L’État français du maréchal Pétain a pour ambition de régénérer la jeunesse. Compagnons de France, chantiers de la Jeunesse et autres écoles de cadres sont là pour lui inculquer les valeurs de l’ordre nouveau. Le zazou représente en somme l’envers de l’idéal pétainiste : c’est un citadin noctambule qui se déhanche et flirte sur de la musique américano-négroïde. Pour leur part, les jeunes gens de la Révolution nationale sont censés être des sportifs, adeptes du retour à la terre, amoureux de la vie au grand air. Dans ce cadre agreste et bucolique, les relations filles-garçons doivent être faites d’une amitié franche et joyeuse…
En 1942, à Bruxelles, Charles Trenet enregistre l’humoristique La poule zazou, mais, depuis longtemps, le phénomène ne fait plus rire grand monde à Vichy et dans les milieux de la collaboration. Depuis l’entrée des États-Unis dans la guerre, s’afficher « zazou » peut même s’avérer dangereux. À mesure que le sort des armes devient défavorable aux troupes d’Adolf Hitler, la propagande anti-swing s’amplifie et se fait plus hargneuse. Des jeunes militants du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot et du Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat se promettent de botter les fesses à toute cette « pourriture » et passent parfois à l’acte : des zazous se font rosser et tondre sur les Champs-Elysées. La police traque les bals clandestins et la Milice opère quelques réquisitions musclées pour le travail dans les campagnes. Jusqu’aux tous derniers jours de l’Occupation, l’hebdomadaire collaborationniste et antisémite Au Pilori stigmatise les « swings » et les « zazous ». Le zazou symbolise par excellence le jeune Français perverti par la IIIe République, sans âme, lâche, efféminé, vaguement gaulliste, anglophile et enjuivé, bref le digne fils de « Ballandard », le célèbre personnage mis en scène par l’hebdomadaire…
À la Libération, la zazou laisse la place à un nouveau genre de « rebelle », l’« existentialiste », qui écume les cafés et les clubs de Saint-Germain-des-Près. Dans les années 1960 lui succèdera le hippie… Moins politiques, plus frivoles, les zazous n’en ont pas moins mené, dans le contexte de l’Occupation et du pétainisme compassé, une « guerre » des plus rafraîchissantes contre la bêtise, sous le sceau de l’amour du jazz et de la liberté. » Karine LE BAIL et Philippe TÉTART © FRANCE MUSIQUE
En lui-même, le mot « zazou » provient d’un morceau de Cab Calloway Zaz Zuh Zaz (1933). Avec Benny Goodman ou Lionel Hampton, Calloway fut le chef de file du swing, style de jazz faisant la part belle aux solos et aux rythmes effrénés. À la fin des années 1930, le swing se fait connaître du public français. En 1938, Benny Goodman et son orchestre viennent en stars américaines et Johnny Hess chante Je suis swing.
Dès le début de l’Occupation, de jeunes parisiens, de bonnes familles le plus souvent, continuent à « être swing ». Vaguement contestataires, certains parmi eux se promènent avec deux gaules ou s’habillent à la mode britannique… Mais, avant tout, les « swings » cherchent simplement à s’amuser, se retrouvant dans les cafés « branchés » du Quartier latin ou des Champs-Élysées. Les fêtes privées – les « surprises-parties » – et autres bals clandestins sont également les lieux propices pour écouter du jazz, danser et goûter au délice de l’interdit. Le « zazou » est à la mode. En être, c’est être dans le « coup », contrarier ses parents et le régime en place. L’État français du maréchal Pétain a pour ambition de régénérer la jeunesse. Compagnons de France, chantiers de la Jeunesse et autres écoles de cadres sont là pour lui inculquer les valeurs de l’ordre nouveau. Le zazou représente en somme l’envers de l’idéal pétainiste : c’est un citadin noctambule qui se déhanche et flirte sur de la musique américano-négroïde. Pour leur part, les jeunes gens de la Révolution nationale sont censés être des sportifs, adeptes du retour à la terre, amoureux de la vie au grand air. Dans ce cadre agreste et bucolique, les relations filles-garçons doivent être faites d’une amitié franche et joyeuse…
En 1942, à Bruxelles, Charles Trenet enregistre l’humoristique La poule zazou, mais, depuis longtemps, le phénomène ne fait plus rire grand monde à Vichy et dans les milieux de la collaboration. Depuis l’entrée des États-Unis dans la guerre, s’afficher « zazou » peut même s’avérer dangereux. À mesure que le sort des armes devient défavorable aux troupes d’Adolf Hitler, la propagande anti-swing s’amplifie et se fait plus hargneuse. Des jeunes militants du Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot et du Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat se promettent de botter les fesses à toute cette « pourriture » et passent parfois à l’acte : des zazous se font rosser et tondre sur les Champs-Elysées. La police traque les bals clandestins et la Milice opère quelques réquisitions musclées pour le travail dans les campagnes. Jusqu’aux tous derniers jours de l’Occupation, l’hebdomadaire collaborationniste et antisémite Au Pilori stigmatise les « swings » et les « zazous ». Le zazou symbolise par excellence le jeune Français perverti par la IIIe République, sans âme, lâche, efféminé, vaguement gaulliste, anglophile et enjuivé, bref le digne fils de « Ballandard », le célèbre personnage mis en scène par l’hebdomadaire…
À la Libération, la zazou laisse la place à un nouveau genre de « rebelle », l’« existentialiste », qui écume les cafés et les clubs de Saint-Germain-des-Près. Dans les années 1960 lui succèdera le hippie… Moins politiques, plus frivoles, les zazous n’en ont pas moins mené, dans le contexte de l’Occupation et du pétainisme compassé, une « guerre » des plus rafraîchissantes contre la bêtise, sous le sceau de l’amour du jazz et de la liberté. » Karine LE BAIL et Philippe TÉTART © FRANCE MUSIQUE
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