« Frémeaux & Associés poursuivent donc cette intégrale faite de coffrets de 3 CDs. Alors que tant de projets du même ordre se sont interrompus, nous ne pouvons que nous en réjouir. Aujourd'hui, Satchmo s'est installé dans les incontournables, au moins comme un nom. Beaucoup le citent encore, mais très peu l'écoutent vraiment. Bien sûr et on n'a cessé de l'écrire, à cette époque, Louis Armstrong n'est plus l'innovateur de «West End Blues» ou de «I Can't Give You Anything But Love», incontournables leçons de trompette et de chant jazz. Mais il n'a alors que 47 ans et à cet âge un trompettiste est à maturité artistique et en pleine possession de ses moyens physiques. En outre, ce premier All-Stars qui s'illustre dans la majorité de ces titres peut être considéré comme le meilleur avec Earl Hines et Sid Catlett, mais aussi Barney Bigard et Jack Teagarden, de grands marqueurs de l'histoire de leur instrument respectif. Ce coffret n'est constitué que d'enregistrements radiophoniques ou pour la TV. En effet, il y eut une deuxième grève pendant l'année 1948 décidée par le syndicat des musiciens qui interdit à ses membres d'enregistrer des disques. Pour cela la maison Capitol est venue à Paris enregistrer ses disques de musiques dites «classiques» (les absents des étiquettes pouvaient être illustres, comme Raymond Sabarich, tp). (…) C'est au cours de cette grève que le statut de chanteur a changé. Il est la vedette! Lorsque les compagnies de disques recommencent à enregistrer les orchestres, elles ont immédiatement constaté qu'ils se vendaient moins que les chanteurs.
Louis Armstrong aurait sans doute pu faire des disques de chanteur, mais la période est aussi celle d'un rebond de sa carrière d'artiste et il est sollicité de toute part. C'est depuis Chicago que nous viennent les deux premiers titres. Dès «Muskrat Ramble», on est frappé par la suprématie d'Earl Hines et de Louis Armstrong (une ampleur de son à la trompette restée inégalée!). Earl Hines est également transcendant dans «Do You Know What It Means» (introduction, accompagnement, bref solo). Deux mois plus tard, le All-Stars est à Philadelphie, et il passe à la radio tous les jours du 2 au 5 juin. Armstrong expose avec autorité «I Cried for You» bien sûr chanté par Velma Middleton. Il est dans une forme éblouissante à la trompette dans «Confessin'», comme il l'est un mois plus tard à Los Angeles (CD3); le morceau est géré de la même façon. Drumming superlatif de Sid Catlett dans «Milenberg Joys», «Struttin' With SBQ» (belle basse d'Arvell Shaw derrière Teagarden)! Arvell Shaw est en vedette dans «Whispering», une routine reprise telle quelle à chaque concert (CD3, 13). Tout ce All-Stars est bon et d'une belle cohésion dans ce «St. Louis Blues» (fin tronquée) du 4 juin, titre repris de façon différente le 12 (plus court, où Satch est seul soliste avec Hines). En dehors d'un bref passage d'orchestre, Earl Hines gère en trio une bonne version de «The One I Love Belongs to Somebody Else» depuis le Ciro's, le 5 juin. Cette émission donne aussi une interprétation du «Jack-Armstrong Blues» qui n'est pas la plus spectaculaire de Louis, mais il est toujours magistral dans le blues. Diffusé sept jours plus tard, la prestation en trio d'Earl Hines dans «East of the Sun» vaut aussi pour le jeu de balais de Sid Catlett.
Le CD2 débute en septembre 1948. On entend des «I Gotta Right to Sing the Blues» non notés qui est un générique de fin (titres 2 et 6). La version de «Black and Blue» est instrumentale alors que celle de décembre contient la partie chantée par Louis; dans les deux cas, la trompette du maître est sublime. A l'inverse, ce même jour de septembre, Louis n'est que chanteur dans «Shadrack». Nouveau à leur répertoire, ce «Maybe You'll Be There» est exposé par Teagarden, mais Louis Armstrong joue admirablement le pont (qualité de la sonorité). La TV du 23 novembre nous laisse, à défaut des images, la prise de son d'un «King Porter Stomp» à la mise en place limite dans la première collective. Dick Cary y prend un solo dans le style d'Earl Hines. Le solo de trompette est plein de drive, poussé par Sid Catlett. Le CD2 se termine sur un bijou: une version de «Rosetta» en quartet! Introduction de Hines, exposé du thème par Louis, excellent solo de piano, échange entre Armstrong et Hines puis coda virtuose du pianiste (pour nos oreilles, le bassiste est Arvell Shaw).
Le CD3 commence le 21 février 1949. L'émission propose deux duos chantés, «Lazy Bones» par Bing Crosby et Louis Armstrong, «Rockin' Chair» par Teagarden et Satchmo. Il y a aussi un «Panama» dont la concision est une leçon pour les instrumentistes actuels (2’ 30”); il aligne une courte intervention de Joe Venuti (qui remplace la clarinette), Louis et Tea. Pas plus long est ce bon «Lazy River» où les seules vedettes sont Louis (scat puis coda à la trompette) et son complice Mr Tea. L'émission suivante depuis Los Angeles commence par un bref «Sleepy Time Down South», générique du All-Stars. On écoutera Earl Hines qui joue derrière chaque annonce. Il faut aussi prêter attention à son accompagnement derrière Teagarden (solo de trombone de «Back O'Town Blues», partie chantée de «A Hundred Years From Today»). Louis ne joue que le point d'orgue de «Pale Moon» interprété en trio par Earl Hines (jeu de balais de Sid Catlett!). Barney Bigard offre un beau «Body and Soul», une de ses «spécialités». Jack Teagarden joue «Goin' Home» de Dvorak en introduction de «A Song Was Born». Le «Mahogany Hall Stomp» bénéficie d'une meilleure qualité d'enregistrement; Louis y est brillant et y reprend son solo historique. Le solo d'Earl Hines dans «Sheik of Araby» dévolu à Teagarden sonne «moderne» dans ce contexte. Le coffret se termine par un «Ain't Misbehavin'» pris sur le vif par un amateur, lors d'un concert à Cincinnati: belle ambiance des concerts de Louis Armstrong qui ne pouvait que déclencher l'enthousiasme. Louis Armstrong fut et reste indispensable. »
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT
Louis Armstrong aurait sans doute pu faire des disques de chanteur, mais la période est aussi celle d'un rebond de sa carrière d'artiste et il est sollicité de toute part. C'est depuis Chicago que nous viennent les deux premiers titres. Dès «Muskrat Ramble», on est frappé par la suprématie d'Earl Hines et de Louis Armstrong (une ampleur de son à la trompette restée inégalée!). Earl Hines est également transcendant dans «Do You Know What It Means» (introduction, accompagnement, bref solo). Deux mois plus tard, le All-Stars est à Philadelphie, et il passe à la radio tous les jours du 2 au 5 juin. Armstrong expose avec autorité «I Cried for You» bien sûr chanté par Velma Middleton. Il est dans une forme éblouissante à la trompette dans «Confessin'», comme il l'est un mois plus tard à Los Angeles (CD3); le morceau est géré de la même façon. Drumming superlatif de Sid Catlett dans «Milenberg Joys», «Struttin' With SBQ» (belle basse d'Arvell Shaw derrière Teagarden)! Arvell Shaw est en vedette dans «Whispering», une routine reprise telle quelle à chaque concert (CD3, 13). Tout ce All-Stars est bon et d'une belle cohésion dans ce «St. Louis Blues» (fin tronquée) du 4 juin, titre repris de façon différente le 12 (plus court, où Satch est seul soliste avec Hines). En dehors d'un bref passage d'orchestre, Earl Hines gère en trio une bonne version de «The One I Love Belongs to Somebody Else» depuis le Ciro's, le 5 juin. Cette émission donne aussi une interprétation du «Jack-Armstrong Blues» qui n'est pas la plus spectaculaire de Louis, mais il est toujours magistral dans le blues. Diffusé sept jours plus tard, la prestation en trio d'Earl Hines dans «East of the Sun» vaut aussi pour le jeu de balais de Sid Catlett.
Le CD2 débute en septembre 1948. On entend des «I Gotta Right to Sing the Blues» non notés qui est un générique de fin (titres 2 et 6). La version de «Black and Blue» est instrumentale alors que celle de décembre contient la partie chantée par Louis; dans les deux cas, la trompette du maître est sublime. A l'inverse, ce même jour de septembre, Louis n'est que chanteur dans «Shadrack». Nouveau à leur répertoire, ce «Maybe You'll Be There» est exposé par Teagarden, mais Louis Armstrong joue admirablement le pont (qualité de la sonorité). La TV du 23 novembre nous laisse, à défaut des images, la prise de son d'un «King Porter Stomp» à la mise en place limite dans la première collective. Dick Cary y prend un solo dans le style d'Earl Hines. Le solo de trompette est plein de drive, poussé par Sid Catlett. Le CD2 se termine sur un bijou: une version de «Rosetta» en quartet! Introduction de Hines, exposé du thème par Louis, excellent solo de piano, échange entre Armstrong et Hines puis coda virtuose du pianiste (pour nos oreilles, le bassiste est Arvell Shaw).
Le CD3 commence le 21 février 1949. L'émission propose deux duos chantés, «Lazy Bones» par Bing Crosby et Louis Armstrong, «Rockin' Chair» par Teagarden et Satchmo. Il y a aussi un «Panama» dont la concision est une leçon pour les instrumentistes actuels (2’ 30”); il aligne une courte intervention de Joe Venuti (qui remplace la clarinette), Louis et Tea. Pas plus long est ce bon «Lazy River» où les seules vedettes sont Louis (scat puis coda à la trompette) et son complice Mr Tea. L'émission suivante depuis Los Angeles commence par un bref «Sleepy Time Down South», générique du All-Stars. On écoutera Earl Hines qui joue derrière chaque annonce. Il faut aussi prêter attention à son accompagnement derrière Teagarden (solo de trombone de «Back O'Town Blues», partie chantée de «A Hundred Years From Today»). Louis ne joue que le point d'orgue de «Pale Moon» interprété en trio par Earl Hines (jeu de balais de Sid Catlett!). Barney Bigard offre un beau «Body and Soul», une de ses «spécialités». Jack Teagarden joue «Goin' Home» de Dvorak en introduction de «A Song Was Born». Le «Mahogany Hall Stomp» bénéficie d'une meilleure qualité d'enregistrement; Louis y est brillant et y reprend son solo historique. Le solo d'Earl Hines dans «Sheik of Araby» dévolu à Teagarden sonne «moderne» dans ce contexte. Le coffret se termine par un «Ain't Misbehavin'» pris sur le vif par un amateur, lors d'un concert à Cincinnati: belle ambiance des concerts de Louis Armstrong qui ne pouvait que déclencher l'enthousiasme. Louis Armstrong fut et reste indispensable. »
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT