« Magnifique de justesse et de tendresse » par Jazz Hot


Pas de doute : c’est un coup monté ! Après le si joli disque qu’il a lui même enregistré avec Marcel Azzola et Marc Fosset (cf. numéro précédent), le contrebassiste Patrice Caratini, en produisant celui-ci, persiste et signe dans sa détermination à extirper enfin l’accordéon des mornes ghettos de la rue  de Lappe et des rondelles saucissonesques qui continuent d’engraisser les collections « super-budget » de nos « grandes » maisons de disques. Que ceux qui n’ont pas eu l’occasion de l’entendre aux côtés de Nougaro se rassurent : Galliano, tout comme Azzola, n’a rien de commun avec les Affable, André Verchurien, et autres invités permanents des émissions de Guy Lux. C’est un authentique improvisateur, un chercheur modeste et exigeant, autant dans le choix dans son répertoire que dans le perfectionnement technique de son instrument. L’an dernier, ce trio nous avait fait vivre de riches heures  au Petit Opportun, et ce qui n’est – j’espère – que son premier disque en restitue bien la grande cohésion, reflet d’une amitié entre inédite et séduisante : bien plus que d’une amitié entre trois musiciens, il s’agit d’une histoire d’amour entre trois instruments, qui n’ont à ma connaissance aucun passé commun mais peuvent sembler former bien des projets d’avenir. Pour le présent, ils ont su s’approprier avec intelligence certains de des meilleurs thèmes du jazz moderne made in USA, en les acclimatant aux tons pastels des paysages des paysages de notre douce France. Par exemple, même si vous avez déjà entendu l’admirable «  Sing Me Softly of the Blues » de Carla Bley joué par icelle, Gary Burton ou Art Farmer, vous aurez bien du mal à vous défaire de cette ambiance de veillée pluvieuse que lui collent le violoncelle et l’accordéon entrelacés autour du vibraphone pensif de Gilles Perrin (qui est le fiston à notre Mimi, si vous ne le saviez pas). Idem pour « Blue Rondo à la Turk », très « marqué » historiquement par le célèbre chorus de Paul Desmond, mais que Galliano et Capon restituent dans un esprit très différent de l’original. Si Capon me paraît un peu raide en pizzicato – mais qui, à part Oscar Pettiford, a su parfaitement swinguer un violoncelle ? – en revanche son jeu d’archet est magnifique de justesse et de tendresse et pourrait à lui seul nous consoler de l’incompréhensible désaffection du jazz à l’égard d’un instrument qui est avec le saxophone, le plus proche de la voix humaine. C’est d’ailleurs une profonde humanité qui émane de la sonorité d’ensemble du trio, et qui rend ce disque réellement envoûtant.
Gérald ARNAUD – JAZZ HOT