« La mort de son père en novembre 2009 lui a donné l’impulsion de ce livre définitif, annoncé comme le premier tome d’une trilogie : la Nature, l’Histoire, la Sagesse, rien moins qu’une « brève encyclopédie du monde »… Cosmos est placé sous le signe de l’étoile Polaire que son père lui avait appris à voir pour ne jamais se perdre, l’étoile de ce pôle Nord où ils voyagèrent ensemble, étoile qui, justement, était cachée sous les nuages le soir où le père mourut dans les bras du fils, étoile qui raconte le cosmos comme « lieu généalogique et païen de la sagesse », étoile, enfin, comme « point de repère existentiel » d’une vie digne de ce nom. (...) Dans les pas de son père, Michel Onfray chante le temps virgilien, la culture comme agriculture (conservation, dépassement et transfiguration de la nature), le penseur des champs contre le penseur des villes, le paganisme antique, le sens de la terre et du ciel (où ne se trouvent ni Idées ni dieux, mais l’immensité physique de l’Univers), les animaux comme nos « alter ego dissemblables » : « le paysan donne la matrice à tout philosophe digne de ce nom », affirme-t-il. Sans surprise, sa cosmologie s’ancre chez Lucrèce et Épicure, rejetant toute la pensée chrétienne (qui, en gros, commence chez lui à Platon et s’arrête avec Nietzsche). Il y ajoute des détours surprenants par l’animisme africain, la « liberté libre » des Tsiganes, le haïku japonais et certains éléments du bouddhisme, tournant sans l’affirmer autour d’un génie du paganisme. Mais, en cela, le fil s’est rompu entre le païen et l’athée moderne, qui vilipende par ailleurs la pensée magique présente dans toute sacralisation de la nature (diatribe appuyée, et très drôle, contre les théories biodynamiques dans la viticulture). Son Cosmos est ainsi un peu cahoteux, avec des chapitres limpides (sur la question animale) et d’autres qui laissent perplexe (une défense de l’Afrique et de la pensée africaine superficiellement documentée). On aime suivre Michel Onfray dans les rencontres qui l’aident à penser : peu de philosophes, mais des naturalistes (Darwin au premier chef), des astrophysiciens (Jean-Pierre Luminet), le spéléologue Michel Siffre, l’entomologiste Jean-Henri Fabre, le botaniste Francis Hallé, le peintre Arcimboldo… La richesse de sa curiosité fait le prix de sa démarche. Mais son grand « oui à la vie » nietzschéen a aussi besoin de s’arrimer à de hargneux rejets. Éternel bouffeur d’évêques et de puissants en tout genre, il instruit toujours de nouveaux procès, cette fois par exemple contre Michel Leiris – dépeint en vulgaire colonialiste – ou contre l’antispéciste Peter Singer, dont il fait un apologiste de la zoophilie. « Soyez jusqu’à la fin en état de mécontentement, de vitupération, d’agression contre tout. L’homme qui arrive à trouver que tout est bien est un demi-mort » : Michel Onfray, dans sa quête de douceur, a dû faire de ce conseil de Paul Léautaud son viatique. Pour le pire, et pour le meilleur. »
Par Catherine PORTEVIN – PHILOSOPHIE MAGAZINE
Par Catherine PORTEVIN – PHILOSOPHIE MAGAZINE