« Qu’est-ce qu’il y avait avant le reggae ? Le ska. Bon d’accord, et avant le ska ? Ah, vous êtes comme moi ? Eh bien, il y avait ça. Jamaïca - Rhythm & Blues, de chez Frémeaux & Associés, nous présente, en un double CD l’une des racines, et non des moindres du rock. Un mélange de blues, de boogie-woogie, de shuffle, de jazz swing, de jump, de soul, de gospel, de nyabinghi, de doo-wop et de rock. Car la dimension africaine (les fameux tambours africains), baigne ce rhythm & blues d’une énergie telle que le rock à la Tommy Steele ou Vince Taylor paraît bien fade à côté. C’est que, derrière cette musique, il y a le mouvement rasta et les revendications raciales qui se font jour. C’est-à-dire l’écho de ce qu’un Marcus Garvey réclamait depuis les années ’10 à Harlem : le retour en Afrique des Afro-Américains qui le voulaient. Destinées à une population locale qui n’avaient pas un sou pour acheter des disques américains, ces chansons étaient enregistrées pour être diffusées dans les sound systems, des salles de bal bon marché, ce qui explique qu’on ne les connaît pas en France. Pourtant, tout y est, envolées de saxes, breaks superbes, piano à la Fats Domino, etc. on y découvre d’excellents chanteurs, des artistes doués, peu connus chez nous, mais de qualité. Comme le guitariste Ernest Ranglin, qui inventa le ska et me le fit découvrir un jour, à Istanbul. Les paroles ne sont pas encore politiques comme elles le seront dans le ska, mais se cantonnent aux soucis de l’heure, comme en témoignent les titres, «More Whisky », « Drinkin’ Whisky », « Get Drunk » ou « Hey Bartender », « Bloodshot Eyes ». Ce n’est pas toujours féministement correct, mais c’est avant tout fait pour danser, et, accessoirement, se sentir fier d’être un homme, même noir. Ce qui, à l’époque, n’est pas rien. On est loin de Richard Anthony et de sa nouvelle vague, n’est-ce pas ? On peut conseiller ce double disque même aux sourds profonds, ne serait-ce que pour le livret, de Bruno Blum, qui en 23 pages d’une analyse pertinente, devrait remettre les pendules à l’heure pour nombre de commentateurs du rock qui n’ont jamais rien compris à ce phénomène. »
Par Michel BEDIN – ON MAG
Par Michel BEDIN – ON MAG