"L'acteur a enseigné pendant dix ans au conservatoire. Un CD restitue sa classe de l'année 1986-1987.
" René Solis - © Libération"L'acteur a enseigné pendant dix ans au conservatoire. Un CD restitue sa classe de l'année 1986-1987.
A partir de mercredi, Michel Bouquet joue l'Avare de Molière au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. A 81 ans, l'acteur entame la soixante-quatrième année de sa carrière théâtrale. Avec une exigence intacte : «L'acteur qui intéresse, c'est l'acteur qui fait voir un autre visage inconnu à lui même. Il n'y a que les ringards qui se ressemblent toujours.» Ces mots, Bouquet les prononçait il y a vingt ans, à l'occasion de sa première classe de l'année 1986-1987 au Conservatoire national d'art dramatique. Tout en se défendant d'être un «pédagogue», il y a enseigné dix ans. Son complice Georges Werler, qui met en scène l'Avare, l'accompagnait déjà à l'époque. Il a eu la bonne idée d'enregistrer ses cours. Et de conserver précieusement les cassettes.
De ce matériau est extrait un CD (1), où Bouquet, sur son métier, parle d'or. Denis Podalydès, qui fut son élève cette année-là, se souvient encore de ces «phrases qui ouvrirent les brèches, révélèrent des continents, modifièrent notre géologie mentale, décidèrent de nos vies d'acteur». Et le sociétaire de la Comédie-Française d'évoquer, dans le livret accompagnant le disque, «cette voix de chair, de métal et d'électricité, dont il pouvait déchaîner l'orage d'une seconde à l'autre». Rien d'autoritaire, pourtant, dans le ton de Bouquet, mais une force de conviction qui fascine. «L'art de l'acteur n'est pas l'art de sentir, c'est l'art de réfléchir.»
A partir de mercredi, Michel Bouquet joue l'Avare de Molière au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. A 81 ans, l'acteur entame la soixante-quatrième année de sa carrière théâtrale. Avec une exigence intacte : «L'acteur qui intéresse, c'est l'acteur qui fait voir un autre visage inconnu à lui même. Il n'y a que les ringards qui se ressemblent toujours.» Ces mots, Bouquet les prononçait il y a vingt ans, à l'occasion de sa première classe de l'année 1986-1987 au Conservatoire national d'art dramatique. Tout en se défendant d'être un «pédagogue», il y a enseigné dix ans. Son complice Georges Werler, qui met en scène l'Avare, l'accompagnait déjà à l'époque. Il a eu la bonne idée d'enregistrer ses cours. Et de conserver précieusement les cassettes.
De ce matériau est extrait un CD (1), où Bouquet, sur son métier, parle d'or. Denis Podalydès, qui fut son élève cette année-là, se souvient encore de ces «phrases qui ouvrirent les brèches, révélèrent des continents, modifièrent notre géologie mentale, décidèrent de nos vies d'acteur». Et le sociétaire de la Comédie-Française d'évoquer, dans le livret accompagnant le disque, «cette voix de chair, de métal et d'électricité, dont il pouvait déchaîner l'orage d'une seconde à l'autre». Rien d'autoritaire, pourtant, dans le ton de Bouquet, mais une force de conviction qui fascine. «L'art de l'acteur n'est pas l'art de sentir, c'est l'art de réfléchir.»
On suppose que ces mots, prononcés au début de sa première classe, sont restés à jamais gravés dans la mémoire de ses auditeurs. «Sentir, on sentira toujours, ajoute-t-il. Plus on a réfléchi, plus on aura matière à sentir. Si l'on sent sans avoir réfléchi, c'est la meilleure façon d'être conventionnel. Forcément, puisqu'on amalgame tout à soi.» Et d'ajouter, quelques minutes plus tard, pour enfoncer le clou : «Acteur, c'est presque un métier dégradant si on ne réfléchit pas.» Réfléchir, cela signifie, d'abord et avant tout, lire, insiste-t-il. Au terme d'une année où il aura enseigné non le métier, mais «la technique morale de l'acteur», il a cette dernière réflexion : «Ce n'est pas difficile d'être très grand comme acteur. C'est difficile de le rester.»" René Solis - © Libération