« Profession de foi » par Bluesboarder

Né en 1946, Benoît Billot (alias Blue Boy) est devenu, au fil du temps, une sorte de doyen d’un blues à la française sont il fut, à l’instar de Patrick Verbeke, un des grand précurseurs. La Lichère, label indépendant, publia deux de ses albums au début des années 1990 (rendez-vous compte : Bluesboarder n’existait même pas !). Pour fêter son retour sous la bannière de cette bonne maison avec son tout récent « En Amérique », celle-ci a décidé de les rééditer, ce qui nous permet de partir à la (re)découverte du temps perdu ! Enregistré en moins de 10 jours en Décembre 1989 et paru en 1990, « Parlez-vous français ? » est déjà le sixième album de Benoît sous son propre nom. Il nous ramène les Tortilleurs de l’époque (qui changeront avec « Couverts de Bleus » en 1994), à savoir le batteur Philippe Floris et el guitariste François Bodin, augmentés ici des anglais John Greaves (bassiste coutumier de la scène de Canterbury) et l’accordéoniste et claviériste Geraint Watkins. Claude Langlois (complice régulier de Patrick Verbeke) et Bill thomas figurent au registre des invités. Plus de dix ans après sa sortie, cet album a plutôt bien vieilli. Il faut dire qu’outre la plage éponyme, on y trouve « J’marche doucement » qui est devenu un de ses classiques, avec « Descendre au café ». Comme sur son récent « C’est moi qui tiens l’volant », les paroles résument toute la philosophie du bonhomme : « patience et longueur de temps font mieux que force et que rage ». Musicalement, cette plage est le mid-tempo Louisianais typique, emballé en deux temps, trois mouvements par l’accordéon de Watkins et un superbe solo de gratte de François Bodin. « Parlez-vous Français ? », la chanson, est une sorte de « Tango-blues-stomp » (moi aussi, je peux inventer des genres si je veux !), strié d’une partie de slide à faire pâlir Ry Cooder en personne. Autres titres de bravoure : « la porte de derrière » (avec la steel guitar tuante de Langlois), « Assis là, nerveux » (un paresseux swamp-blues à la Slim Harpo, avec Bill Thomas à la guitare, et entrelardé d’un splendide solo d’harmo, 100% Walter Horton), ou encore « Ils sont partis » (bien belle ballade, au spleen proche d’un John Fogerty en mal de Bayou, et bercée par l’accordéon de Watkins). Il faut encore mentionner « Qu’est-ce que t’en f’ras », mambo bien Louisianais (avec des paroles cryptées, dans la veine de « On peut plus en trouver », sur « Lent ou Rapide »). L’harmo y est encore à la fête, de même que sur « Angela », Texas swing déchaîné sur lequel Benoît prend sa voix de rocker, entraînant ses comparses dans son sillage avant de signer un solo grandiose, entre George Smith et Frank Frost. Reste à signaler la pièce de résistance (7’40 et quelques !), « Louisiana » sa profession de foi. Sur un riff de guitar-boogie et un rythme chaloupé soutenu par l’accordéon zydeco (Watkins, toujours), Benoît y délivre des soli totalement habités. On ne le dira jamais assez : Benoît Blue Boy est l’un des tout meilleurs harmonicistes en activité. « Parlez-vous Français ? » est peut-être son album le plus indiqué pour le découvrir en tant qu’instrumentiste.
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