Au début des années 1970, autant dire à la préhistoire, le duo explosif que formaient Milt Buckner et Jo Jones connut un succès difficile à imaginer. Le « projet », comme on dit aujourd’hui, avait de quoi séduire : l’alliance inédite de l’orgue Hammond et de la seule batterie servie par deux musiciens à la notoriété établie. Deux artisans majeurs de la Swing Era. Pianiste et arrangeur de big band de Lionel Hampton, Milt Buckner a transposé à l’orgue le style « block chords » dont il était spécialiste. Si bien que son jeu acquiert une ampleur et une puissance inégalées et qu’il fait sonner son instrument comme un grand orchestre. Pour sa part, Jo Jones, batteur complet, d’une rare finesse tant aux baguettes qu’aux balais, a constitué, avec Freddie Green et Walter Page, la meilleure rythmique que l’orchestre de Count Basie ait jamais connue. Son influence n’est plus à démontrer. Le duo figure dans le film « L’Aventure du jazz », réalisé entre 1969 et 1972 par Louis et Claudine Panassié, tandis que des concerts et des séances d’enregistrement étaient organisés pour lui à travers la France. Tel est le matériau rassemblé dans ces quatre disques jubilatoires dont le dernier est constitué d’inédits. Virtuosité, imagination, swing constant, plénitude du son, stimulation réciproque, connivence ou l’humour a sa place, telles sont les qualités qui éclatent dans tous les morceaux.
Par Jacques ABOUCAYA – JAZZ MAGAZINE
