L’histoire rocambolesque de ces faces mériterait une nouvelle. En 1959, Quincy est de retour à Paris afin de roder la comédie musicale d’Harold Arlen et Johnny Mercer Free and Easy, avant de la présenter à Broadway. Il saute sur l’occasion pour réunir « un orchestre de rêve, les Nations Unies du jazz, l’association des meilleurs musiciens et magnifiques êtres humains que j’ai jamais connus ». Parmi eux, le tromboniste Quentin Jackson et son ami et premier professeur de trompette Clark Terry quittèrent Duke pour se joindre à l’aventure. Il s’arrêta au bout de six semaines, faute de public. Paris, en pleine guerre d’Algérie, vivait plus au rythme des attentats et de ratonades qu’à celui du swing. Daniel Filipacchi et Franck Tenot volèrent au secours de l’orchestre en finançant quatre séances d’anthologie. Fidèle aux bases de Basie, Quincy y déroule un tapis roulant, souple comme du cuir, laineux comme une moquette, qui avance imperturbablement sous les blocs coupants des cuivres et la vague cotonneuse des saxophones, le tout propulsé par une rythmique de haute précision. Du grand art ! Assistant aux répétitions, Count prévient « Q » : « Ne t’avise pas de ramener ce big band aux Etats-Unis, à moins que tu cherches à me scier la branche… » La suite est une errance épique et picaresque dans toute l’Europe à la recherche du moindre gig susceptible de nourrir cet orchestre damné. « J’ai finalement jeté l’éponge. A vingt-six ans, j’avais l’impression d’en avoir cinquante. » Ses sessions parisiennes, en revanche, n’ont aujourd’hui pas pris une ride.
Par Pascal ANQUETIL – JAZZ MAG JAZZ MAN
Par Pascal ANQUETIL – JAZZ MAG JAZZ MAN