Raul Barboza - Juanjo Dominguez par Libération

"Un jour quelqu’un m’a dit : «Fais une seule note, mais bien habillée, car si on fait trop de notes, on ne peut pas toutes les habiller».” Main appuyée sur le clavier, coups de vent du soufflet, envol d’une gamme, l’Argentin Raúl Barboza enveloppe d’atmosphères délicates les sautillements de son chamamé : «De la musique moderne; paraît-il, mais je faisais ça quand j’avais 20 ans, il y a... bien des années!» Je suis du Nord-Est, mon territoire c’est la forêt, le fleuve, le chant des oiseaux, les pythons et les anacondas, et cela se reflète dans ma musique." Hélène LEE - LIBÉRATION

“Un jour quelqu’un m’a dit : «Fais une seule note, mais bien habillée, car si on fait trop de notes, on ne peut pas toutes les habiller».” Main appuyée sur le clavier, coups de vent du soufflet, envol d’une gamme, l’Argentin Raúl Barboza enveloppe d’atmosphères délicates les sautillements de son chamamé : «De la musique moderne; paraît-il, mais je faisais ça quand j’avais 20 ans, il y a... bien des années!» Je suis du Nord-Est, mon territoire c’est la forêt, le fleuve, le chant des oiseaux, les pythons et les anacondas, et cela se reflète dans ma musique.
Raúl décide de gagner la France, où il débarque en 1987, «sans papiers». Et là, il réalise «comme un coup sur le nez» qu’il n’entre dans aucune classification. Il est argentin, mais ne joue pas le tango, ni du bandonéon. “«Etes-vous indien? demande quelqu’un dans l’assistance. Je me suis regardé dans la glace, et tout à coup je me suis rendu compte. A la maison on ne parlait jamais de ça.» Barboza se découvre une nouvelle liberté; soudain, tout est permis, et d’abord «ces musiques que là-bas je pensais ne pas pouvoir jouer à cause du racisme interne». Les autres accordéonistes lui ont fait une place - les Galliano, Azzola, Daniel Colin, Jo Privat - et l’académie Charles-Cros lui décerne un prix. Partagé aussitôt avec les amis musiciens de Buenos Aires, «ceux qu’on laisse dans l’ombre, qui, comme moi, ont été repoussés. Comme Gardel, j’aime «donner la fleur à la fille moins jolie.” Hélène LEE - LIBÉRATION