Ellington savait bien qu’il était un grand compositeur, mais il s’est toujours inscrit dans cette tradition populaire des negro minstrels. Il se reconnaissait l’héritier d’une culture douloureusement enracinée dans l’obscurité de la mémoire, et au lieu de s’en plaindre, il se sentait d’autant plus libre. Fier de son origine Africaine, il revendiquait pleinement sa citoyenneté américaine ; fasciné par la culture européenne mais aussi par l’Orient, il a été l’un des premiers musiciens à se sentir vraiment universel. Le mot jazz le gênait aux entournures. Il ne cessait de répéter : « il n’y a que deux catégories de musique, la bonne et la mauvaise ». La bonne, c’était cette maîtresse qui ne l’a jamais déçu, et au soir de sa vie, il lui dédiait ce poème d’adolescent : « Errant dans la jungle cacophonique en quête d’un bruit plus agréable, je vis la vie d’un primitif avec une âme d’enfant et rien n’étanchera ma soif de dièses et de bémols. Je suis presque un ermite, mais dans ma caverne ou tant d’amantes sont venues et reparties, il y a la seule qui demeure : elle est belle, élégante, elle swingue, elle a la grâce. Elle a bien dix mille ans mais elle est aussi moderne que le lendemain, femme toute neuve chaque matin, aussi éternelle que l’infini. La vie avec elle est une arborescence. Je suis à l’affût de ses moindres gestes. La musique est ma maîtresse, et aucune autre ne peut lui ravir le rôle de premier violon. »
Gérald ARNAUD - JAZZMAN
Gérald ARNAUD - JAZZMAN