« Roots of Ska » est un excellent coffret comprenant trois cd d’une grande beauté musicale et un livret bref et efficace écrit par Bruno Blum. On passe de New Orleans à Kingston, de Louis Jordan à Bob Marley sans faire de grand écart : c’est là où réside la magie de ce coffret. On découvre ici les origines du ska jamaïcain (et donc de dizaines d’autres styles issus de ce genre qui inondèrent la planète par la suite, comme le reggae et le dub). La thèse de Blum est limpide et se lit tout en écoutant les disques, dans la mesure où il dirige souvent notre oreille vers les rythmes bien spécifiques et des lignes de basse qui voyagent étrangement d’un style à l’autre, d’un pays à l’autre. Pour résumer cette thèse : les origines du ska en Jamaïque ont été nébuleuses jusque ici, mais si l’on écoute de plus près les styles de musique afro-américaine qui émergent aux USA après la crise de 1929 (qui marque la fin de l’hégémonie du blues commercial), on trouve les éléments musicaux et sonores qui vont fonder le ska. Blum démontre le tout en prenant d’excellents exemples historiques, comme la montée en puissance des musiques de dance hall tel le swing et le r’n’b pour ensuite se concentrer sur une tranche charnière de la musique afro-américaine qui mènera au ska. La musique de Louis Jordan ou de Professor Longhair et leurs rythmes saccadés, leurs basses puissantes introduisent, dans le premier disque consacré à la musique américaine, les auditeurs à une époque musicale foisonnante. Cette musique dansante, le shuffle, où la syncope, la basse entêtante et la batterie swing font bouger les foules en Jamaïque. Et bien entendu, les premières apparitions de musique shuffle ne s’y font pas attendre. Le deuxième disque regorge de petits trésors musicaux, d’hybrides rares à la croisée du jazz, du r’n’b et du ska. Les premiers opus de Bob Marley, absolument remarquables, émergent pendant cette époque charnière (Je n’aurais pas pu dire qu’il s’agissait de Marley, par ailleurs, tellement la musique est surprenante). Le coffret se termine sur une anthologie du ska jamaïcain allant de 1956 à 1962. La musique est excellente. Le ska abandonne la batterie swing et met le rythme au pas de la syncope : guitares lorgnant sur le shuffle, basses dignes des miracles de la main gauche de Professor Longhair et mélodies entêtantes à la Louis Jordan nous prouvent que le ska, puis ensuite le reggae, ont des racines afro-américaines profondes et sont issues d’échanges culturels et sonores entre la Caraïbe et le Continent Américain. La musique est bonne, le contenu historique est excellent (et fourmille, en un espace court, d’informations que je ne pourrais exposer ici : il faut lire Blum, qui signe ici un formidable petit essai). Très très chaudement recommandé.
Par Vincent JOOS - ABS
Par Vincent JOOS - ABS