Les américains qualifieraient sans doute, et à juste titre, Marc Benham de musicien " versatile ". A savoir que dans son jeu coexistent des styles différents, du stride de James P. Johnson et Fats Waller à Keith Jarret et Chick Corea, avec des réminiscences harmoniques de Claude Debussy et d’Eric Satie. Improbable melting pot. Or, ce qui pourrait n’être que démarquage plus ou moins habile, collage aussi incongru qu’aléatoire, revêt sous ses doigts une unité telle que son idiome en acquiert une indéniable originalité. Avec, en outre, une parfaite fluidité. Tel est le talent de ce pianiste qui mêle, au sein d’un même morceau, les climats les plus divers, suggère tour à tour joie et mélancolie, recueillement et allégresse. Ainsi de ses compositions et de l’improvisation libre intitulée " Heure perdue ", déclinée en trois épisodes. Et aussi des standards intemporels, " Just You, Just Me, Tea For Two " le monkien "Think Of One” ou “Angelica” de Duke Ellington, trop peu souvent joué. Il y a chez lui du Martial Solal, pour la virtuosité et la fantaisie. Pour la manière, aussi, de maîtriser toute l’histoire de l’instrument, sans s’appesantir, en usant de l’allusion et de la litote. Faut-il ajouter que Marc Benham possède une technique acquise par l’étude du piano classique ? Elle ne suffirait pas à le différencier de nombre de ses collègues s’il n’y joignait un toucher à la fois ferme et délicat, une invention mélodique et un sens des nuances et des dynamiques qui tiennent d’un bout à l’autre l’auditeur en haleine. Pas de doute, ce funambule inspiré, à la fois léger et profond, signe ici un album des plus prometteurs. Nul doute qu’on reparlera de lui.
Par Jacques ABOUCAYA – JAZZMAGAZINE - JAZZMAN
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