6ème album à ce jour pour ce personnage si singulier qu’est le chanteur-guitariste Elmore D, Daniel Droixhe dans le civil. C’est sur une plage d’Espagne que l’idée est venue à notre bluesman wallon de se plonger en profondeur dans le répertoire de quelques artistes de l’époque Bluebird. Quand il se plonge dans Roll Dem Bones, il épluche Jazz Gillum, écoute et réécoute aussi Big Bill Broonzy pour en faire de fort belles versions, personnelles, parmi les meilleurs moments du disque. Idem avec Sloppy Drunk dans les versions de Walter Davis et de Leroy Carr… Ses relectures sont ancrées dans l’histoire du blues, un blues qui se déroule avec aisance. Elles sont à d’autres moments aussi dialectales car une de ses nombreuses originalités est – en linguiste de renom qu’il est – d’adapter les textes de certains titres dans le dialecte de sa Basse-Meuse natale, non pas par régionalisme primaire, mais bien parce qu’il s’y retrouve de manière naturelle. Il chante avec aisance, sans forcer. Cela surprend toujours d’entendre à côté de reprises chantées en anglais, ses compositions personnelles (la plage titulaire nous replonge dans le Bentonia de Skip James, un hasard ?) et des versions wallonnes de Big Bill, Jazz Gillum, Oscar Buddy Woods, et même de Larry William (Bonie Moronie)… ! Pour ce projet, il a fait appel au talentueux pianiste Christian Rannenberg, élève de Blind John Davis en personne qui séjourna à Chicago dans les années 80, en Californie plus tard, et accompagna un nombre impressionnant de musiciens parmi les plus en vues dans les années 80. Tout cela pour dire qu’il aurait été difficile de trouver un pianiste de ce côté de l’océan plus à même de se joindre à ce projet, plus à même d’enrichir de ses interventions et solos le blues de l’ami Elmore. Les autres musiciens présents sont des accompagnateurs et amis de longue date : Giles D., son fils, excellent à la guitare, Big Dave et Richard Plaut à l’harmonica, Renaus Lesire et Patrick Indestege à la basse, Frank Gomez et Henri Moureau à la batterie, Bas Jansen au piano sur certains titres. Elmore D est un vrai, il ne triche pas. S’il passe pas loin de chez vous, ne le ratez pas, surtout pas. En attendant, « Back to Hesta » (« De retour à Herstal », sa ville natale) – un clin d’œil à « Back to Bentonia » ? – est là pour notre plaisir. Jean-Pierre URBAIN - ABS