Le trio qui a présidé à la conception de ce double CD (Alain Gerber, Alain Tercinet et Daniel Nevers) est le gage d’une expertise sans faille pour la période où la chanteuse enregistrait sur le label Verve. Outre des renseignements discographiques précis et des textes pertinents des deux premiers nommés (une habitude dans cette collection), c’est surtout le choix du programme qui est remarquable, guidé, devant une production pléthorique, par la volonté de présenter le talent de la chanteuse dans toute son étendue. Douée d’une imagination incroyable, Ella est connue de tous pour son extraordinaire habileté à scatter (« Air Mail Special » pris sur un tempo d’enfer à Newport en 1957 ou « How High the Moon » qu’elle réinvente à Berlin en 1960 en dialoguant avec le batteur Gus Johnson). Mais on retrouve également ici les qualités qui firent d’elle l’une des grandes divas du jazz : registre incroyable (parfaitement juste du plus grave au plus aigu), articulation parfaite (« Moonlight in Vermont »), pouvoir émotionnel « These Foolish things », aisance et naturel quel que soit le morceau, capacité à être aussi pudique en studio « Misty » qu’elle était explosive sur scène, et bien sûr relaxation de son swing qui faisait merveille sur les tempos medium « A Fine Romance ». Avec une grande formation(Ellington, Basie ou Marty Paich), avec Armstrong qui lui donna une réplique vocale idéale ou avec son pianiste Paul Smith, Ella témoigne de l’immensité de ce talent qui faisait dire à Jimmy Rowles : « Pour elle tout était musique, la musique l’environnait, elle la respirait. Quand elle marchait dans la rue, elle semait des notes. »
Par Philippe VINCENT – JAZZMAN – JAZZ MAG
Par Philippe VINCENT – JAZZMAN – JAZZ MAG