« Un des plus beaux adieux que pouvait nous dire cet ONJ. » par Jazz Magazine

Plus qu’un testament, c’est un approfondissement que Didier Levallet nous livre pour son dernier enregistrement en tant que directeur musical de l’orchestre national de jazz. On y retrouve en effet ce qui avait fait la qualité et l’originalité des deux premiers cd signé avec cet orchestre : l’évocation de la tradition des big band qui permet de s’en évader, une pâte sonore mobile et subtile, une dynamique rythmique en cohérent mouvement de nébuleuse. Souvent les pièces sont amorcées par un ou plusieurs instruments de la rythmique, non pour assoir ou fixer, mais pour lancer l’évolution d’ensemble. Les mélodies sont rarement énoncées d’un seul tenant mais émergent des appels et répons, des tuilés, des jonctions entre lignes jouées par des section qui ne sont pas toujours instrumentalement homogènes et le sentiment de mouvement est, bien sûr, accentué par la complémentarité des deux batteries. Le sens des couleurs donne un son très personnel à cette dense polyphonie : la gageur tenue par Didier Levallet est de proposer à tout moment une foultitude d’événements sonores sans que jamais l’oreille ne soit perdue, parce que ces événements sont soudés par une logique s’exprime dans la souplesse d’une pulsation que brident pourtant ni la continuité du rythme ni l’uniformité du tempo. Il y à dans cette conception du grand orchestre une grande plasticité, donc un champ immense de possibilités ouvertes aux solistes, membres permanents ou invités. Dans « Deep Feeling », Guédon, Sophia Domancich, Beckett, Lazarevitch, Folmer, Robert, Biscoe, Couderc et Foy brillent particulièrement. Mais c’est la présence de Jeanne Lee qui attire l’attention. Elle apparaît d’abord dans le double hommage que constitue Duke Ellington Sound of love de Charles Mingus, ou sa voix se fond superbement dans le moelleux orchestral. Puis elle livre trois facette de sa personnalité en une suite qu’elle a conçut avec Levallet Elle y demeure placée musicalement dans l’ensemble instrumental sans jamais perdre de sa présence ni de sa clarté, elle y ajoute ses feux et y jette ses paroles pour finir pour dialoguer avec Ramon Lopez dans une atmosphère rappelant les last poets. Cette suite, A part of me, est  l’un des plus beaux adieux que pouvait nous dire cet ONJ.
Denis-Constant MARTIN - JAZZ MAGAZINE »