Dans son excellent ouvrage « Swing Under the Nazis, Jazz as a Metaphor for Freedom », Mike Zwerin, tromboniste et critique de l’ “International Herald Tribune” décrit autant qu’il imagine un jeune Django Reinhardt âgé de dix ans, vers 1920, faisant la manche en jouant sur banjo déglingué au marché du Kremlin-Bicêtre : « Sa musique était, disons, étrange. On avait l’impression que quelqu’un d’autre que lui grattait les cordes. Quiconque ayant fréquenté La Nouvelle-Orléans aurait même pu reconnaître des bribes d’un phrasé rappelant le blues. Vraiment étonnant car Django, bien sûr, n’y avait jamais mis les pieds. » Quatre-vingt-dix ans plus tard, le clarinettiste louisianais d’adoption, Evan Christopher accompagné de deux guitaristes, David Blenkhorn et Dave Kelbie, et d’un contrebassiste, Sébastien Girardot, ressuscite, développe, réinvente ce lien ténu et miraculeux qui semblait unir le génial improvisateur manouche aux talentueux pionniers créoles de Tremé et de Back O’Town. Ce premier « live » du groupe capté au Royaume-Uni reprend standards de l’entre–deux guerres (Jelly Roll Morton, Duke, Johnny Hodges) et quatre thèmes de Django tel « Douce ambiance » où la rythmique marquée par la clave caribéenne permet à la mélodie de planer avec une grâce infinie. Et un « Songe d’automne »débridé conclut en véritable apothéose ce disque remarquable. A signaler que le guitariste et banjoïste Don Vapie remplace désormais David Blenkhorn au sein du groupe ce qui devrait « créoliser » un peu plus cette belle aventure.
Par Jean-Pierre BRUNEAU – JAZZ NEWS
Par Jean-Pierre BRUNEAU – JAZZ NEWS