Dans la collection « The quintessence » publiée par la maison Frémeaux, voici venir le second coffret de deux CD consacré à Sidney Bechet, seul jazzman dont « les mélodies appartiennent de plein droit à notre patrimoine culturel national, indissociables qu’elles sont de notre mémoire collective », comme le fait justement remarquer l’auteur du livret. Et c’est bien vrai : nous avons beau nous trouver maintenant plus de soixante ans après l’enregistrement du dernier album de Sidney Bechet, il y aura toujours des danseurs pour demander quelques increvables de son répertoire, qu’il s’agisse de « Petite fleur, des Oignons » ou des « Rues d’Antibes ». Peut-être même y ajouteront ils « Si tu vois ma mère » ou « En attendant le jour » … sans parler de « Passport to Paradise ». Voilà pour la face de Bechet la plus connue du grand public, bien présente dans la seconde des deux galettes du coffret. On appelle cela la « période française » de Sidney Bechet, que l’après-guerre amena de ce côté-ci de l’Atlantique et de plus en plus souvent, si bien qu’il finit par y installer ses pénates et que sa dernière demeure se trouve, depuis sa disparition en 1959, au cimetière de Garches. Mais Bechet c’est aussi bien autre chose. Pour Duke Ellington, dont il partagea fugitivement les débuts en 1924 : le génie absolu. Pour Johnny Hodges : « Sidney Bechet ? C’est Dieu. » Pour Archie Shepp : « La lumière et la fatigue du blues. » Et je ne vous apprendrai pas qu’en Europe, on savait depuis 1919 et un fameux article du chef d’orchestre Ernest Ansermet que « cet extraordinaire virtuose [ … ] ne sait rien dire de son art, sauf qu’il suit son own way, sa propre voie, et l’on pense que ce own way, c’est peut-être la grande route où le monde s’engouffrera demain » . Cet aspect des choses vous sautera aux oreilles d’emblée, avec une des plus belles plages de Sidney Bechet, Blue horizon, qui ouvre la première des deux galettes. Ce morceau rappellera que, universellement connu dans le jazz comme LE saxophoniste soprano, il en était aussi un des plus grands clarinettistes. On raconte que sa carrière commença dès l’âge de six ans, quand son grand frère Léonard, dentiste de son état, le surprit en train de jouer en cachette de la clarinette avec laquelle il se produisait à la tête De son Silver Bells Brass Band (tout le monde faisait de la musique chez les Créoles de la Nouvelle-Orléans, y compris, donc, les dentistes !). Très impressionné, le bon docteur laissa la clarinette au gamin et se mit immédiatement au trombone…
Par Laurent VERDEAUX – HOT CLUB DE FRANCE
Par Laurent VERDEAUX – HOT CLUB DE FRANCE