« Un inédit discographique » par Jazz Hot

« Ce 17e volume de l’intégrale consacrée à Mahalia Jackson est en fait le 4e volume dédié à la réédition de la totalité des chansons filmées par la chaîne de télévision TEC en 1961 sur la Côte Ouest (…). Une partie seulement fut éditée sur disque. C’est donc un inédit discographique, une nouveauté, et, comme le dit Jean Buzelin qui supervise cette édition, un événement exceptionnel car il s’agit des inédits d’une grande artiste, la grande voix du monde afro-américain de ce temps avec Ella, une voix au sommet de son art et de sa conviction en 1961. S’il est une artiste qui mériterait le sobriquet de «The Voice», c’est bien Mahalia Jackson. Elle a, comme quelques exceptions de l’art vocal toutes musiques confondues et encore plus sans doute que la plupart, cette capacité rare à rendre crédible, émouvant et exceptionnel un répertoire à caractère spirituel, social et politique, chanté dans n’importe quel contexte.
Si la qualité du son (Jean Buzelin explique la difficulté de reconstituer cette intégrale) n’est pas toujours à la mesure d’une chanteuse qui a fait osciller d’émotion bien des publics, c’est déjà miraculeux de pouvoir les écouter, et avec un peu d’imagination, on comprendra toute la puissance de cette voix, secondée ici par la fidèle Mildred Falls et d’autres musiciens spécialisés dans ce registre de la musique spirituelle. Mais comme nous sommes à Hollywood, CA, on retrouve les inattendus Barney Kessel, Red Mitchell et Shelly Manne sur certaines plages. Après une grande tournée internationale, la TEC et son directeur Harold Goldman, avaient en effet prévu d’enregistrer et de filmer pas moins de 85 chansons, un véritable travail de mémoire (même si telle n’était pas la motivation) réalisé en une dizaine de séances sur quinze jours, de 9h à 17h. Mahalia y aborde un répertoire plus large que l’habituel. On ne dira jamais assez la puissance et la force de travail de ces chanteuses qui comme Ella et Mahalia sont capables de telles performances en conservant dans chaque note une telle authenticité et de telles qualités d’expression et de conviction. Jean Buzelin, qui détaille l’histoire, rappelle que Mahalia contracta une laryngite, et malgré ce, le contrat fut honoré en temps et matérialisé par 84 bobines filmées dans un décor minimaliste seulement peuplé de l’envoutante présence artistique de cette chanteuse hors norme. Une moitié de ces titres est inédite, et ils ne seront pour partie pas repris dans d’autres séances. Il n’y a rien à jeter ou négliger, et ce travail d’intégrale de Mahalia Jackson dans son ensemble est un indispensable de l’édition phonographique.
Le terme de «musique religieuse» qui sert à classer «commercialement» ces performances étant bien réducteur en regard de l’importance spirituelle, social, politique et même artistique de Mahalia Jackson en son temps: le 16 juillet 1961, soit huit jours après la fin de ces enregistrements, elle était en effet au Madison Square Garden aux côtés de Martin Luther King, qui occupe la scène juste avant elle, et dont elle continue d’accompagner la lutte pour l‘égalité et la dignité avec la puissance de la conviction de son expression… Il faudra se procurer les trois autres volumes, sans nul doute essentiels, car cet ensemble constitue une intégrale en soi à l’intérieur de celle de l’ensemble de l’œuvre de Mahalia Jackson. »
Par Yves SPORTIS – JAZZ HOT