« Contrairement au coffret évoqué précédemment, celui-ci (2 cd, 44 titres) pourra difficilement mettre en valeur vos talents de dj si vous envisagez d’occuper la platine d’une soirée. Encore moins éprouver vos prouesses sur une piste de danse. Mais il pourra épater la galerie, et bluffer les amateurs de reggae, ou toute personne prête à découvrir le berceau du reggae, pour l'éclairage qu'il apporte sur la genèse de cette musique. Ecrivain, journaliste (grand spécialiste du reggae, de Bob Marley, et du passage de Serge Gainsbourg en Jamaïque !), dessinateur, musicien, producteur, Bruno Blum est parti à la recherche d’un temps perdu. Celui de la musique jamaïcaine, née de l’esclavage : trois cent mille déportés d’Afrique nous rappelle-t-il, qui peupleront cette colonie anglaise. Un temps où les rythmes et les cultures noirs se sont ancrés dans la vie comme autant d’outils de résistance (les Marrons, esclaves rebelles, se sont enfuis dès le 17e siècle dans les montagnes de la petite île, préservant ainsi, à l’abri de tout interdit, leur culture et leur âme. De même que, dans les champs de canne à sucre, ils osaient entonner ces work songs, chants de travail, comme dans les plantations américaines).
L’alchimie entre l’évangélisation coloniale et la subsistance des rites animistes africains donne alors lieu, jusqu’au vingtième siècle, à une multitude de syncrétismes religieux, certains cultes tendant plus vers une adaptation de la religion chrétienne (la Pukkumina ou Pocomania ; ou le Revival Zion). Alors que d’autres, comme le Kumina, se concentrent avec précision sur les cultes africains animistes. Ainsi baptêmes, mariages, funérailles, rites de possession, et donc transe (la communication avec les ancêtres), rites de guérison, ont rythmé la vie jamaïcaine à la cadence des tambours, des chants, des battements de mains et des pieds tapant le sol. Les mêmes cadences et spiritualités métissées qui donneront naissance, bien plus tard, au rastafarisme et au revival des rassemblements nyabinghi, que l’on retrouvera, dans les années 60 et 70, dans le reggae roots des Abyssinians, des Congos, de Pablo Moses et de bien d’autres.
Les pistes qui constituent ces galettes sont évidemment originales, enregistrées entre 1939 et 1961, et provenant, pour la plupart de George Eaton Simpson et Edward Seaga (futur homme politique et Premier ministre jamaïcain). On y retrouve la magnifique Louise Bennett dont nous avons parlé dans l’article précédent. Et bien des chanteurs et musiciens qui feront du reggae ce genre adulé dans le monde entier (Johhny Moore, Bunny and Skitter, Count Ossie…).
En écoutant ce collectage unique, il faut le livret de Bruno Blum. Bien plus qu’un livret, on a à faire ici à un opuscule fondamental. Vingt trois pages qui nous délivrent la filiation et l’histoire complexe de ces musiques liturgiques, païennes ou pieuses. Bien plus précieux que n’importe quel livre ou recherche sur internet. Bruno Blum nous donne ici le sens profond et détaillé des racines africaines du reggae et du rastafarisme, tordant ainsi le cou aux idées préconçues et aux folklore bêta qui collent à la peau de l'imagerie rasta. Tout simplement passionnnant. »
Par Frédérique BRIARD - MARIANNE
L’alchimie entre l’évangélisation coloniale et la subsistance des rites animistes africains donne alors lieu, jusqu’au vingtième siècle, à une multitude de syncrétismes religieux, certains cultes tendant plus vers une adaptation de la religion chrétienne (la Pukkumina ou Pocomania ; ou le Revival Zion). Alors que d’autres, comme le Kumina, se concentrent avec précision sur les cultes africains animistes. Ainsi baptêmes, mariages, funérailles, rites de possession, et donc transe (la communication avec les ancêtres), rites de guérison, ont rythmé la vie jamaïcaine à la cadence des tambours, des chants, des battements de mains et des pieds tapant le sol. Les mêmes cadences et spiritualités métissées qui donneront naissance, bien plus tard, au rastafarisme et au revival des rassemblements nyabinghi, que l’on retrouvera, dans les années 60 et 70, dans le reggae roots des Abyssinians, des Congos, de Pablo Moses et de bien d’autres.
Les pistes qui constituent ces galettes sont évidemment originales, enregistrées entre 1939 et 1961, et provenant, pour la plupart de George Eaton Simpson et Edward Seaga (futur homme politique et Premier ministre jamaïcain). On y retrouve la magnifique Louise Bennett dont nous avons parlé dans l’article précédent. Et bien des chanteurs et musiciens qui feront du reggae ce genre adulé dans le monde entier (Johhny Moore, Bunny and Skitter, Count Ossie…).
En écoutant ce collectage unique, il faut le livret de Bruno Blum. Bien plus qu’un livret, on a à faire ici à un opuscule fondamental. Vingt trois pages qui nous délivrent la filiation et l’histoire complexe de ces musiques liturgiques, païennes ou pieuses. Bien plus précieux que n’importe quel livre ou recherche sur internet. Bruno Blum nous donne ici le sens profond et détaillé des racines africaines du reggae et du rastafarisme, tordant ainsi le cou aux idées préconçues et aux folklore bêta qui collent à la peau de l'imagerie rasta. Tout simplement passionnnant. »
Par Frédérique BRIARD - MARIANNE