« ... Le premier disque met d’abord l’accent sur l’effort de guerre fourni par les orchestres de country : Johnny Bond chante la circonscription (Draftee Blues), Denver Darling invite – ne croyant pas si bien dire, en 1942 – à l’anéantissement du Japon (Modern Cannonball), Texas Jim Robertson tourne Hitler en dérision (Last Page of Mein Kampf) et Sons of the Pioneers en rajoute à la mise en scène des Marines dressant la bannière étoilée sur Iwo Jima (Stars and Stripes on Iwo Jima).... » Franck BERGEROT – LE MONDE DE LA MUSIQUE
« Gérard Herzhaft a certes quelque peu défloré le sujet chez le même éditeur, dans ses Hillbilly Blues, Country Boogie et autres Roots of Rock’n’roll, mais l’angle qu’il choisit ici (et commente sur 17 pages de livret) est tout à fait pertinent. Le premier disque met d’abord l’accent sur l’effort de guerre fourni par les orchestres de country : Johnny Bond chante la circonscription (Draftee Blues), Denver Darling invite – ne croyant pas si bien dire, en 1942 – à l’anéantissement du Japon (Modern Cannonball), Texas Jim Robertson tourne Hitler en dérision (Last Page of Mein Kampf) et Sons of the Pioneers en rajoute à la mise en scène des Marines dressant la bannière étoilée sur Iwo Jima (Stars and Stripes on Iwo Jima). La country sortira changée de cette guerre. Si jazz et boogie ont définitivement contaminé le genre par leurs rythmiques et leurs improvisations (solos de guitare avec Hank Garland, Chet Atkins et le transfuge George Barnes ; d’accordéon avec Pedro DePaul, Augie Klein ; voire de piano et d’instruments à vent), les grands orchestres de western swing ont été dispersés par la circonscription. Certes, les fils Wills continuent à diffuser la bonne parole, mais avec Ernest Tubb (There’s Gonna be Some Changes), Ted Daffan (Born to Lose) et Hank Williams (Honky Tonkin’), les formations réduisent leurs effectifs autour de la guitare et de la steel guitar. Le honky tonk s’impose dans les bars mal famés (juke joints ou honky tonks). Le discours traditionnellement positif et moralisateur de la country cède la place à des propos nettement plus sombres. Du coup, même l’institution conservatrice du Grand Ole Opry à Nashville doit s’adapter, confiant la flamme à ceux qu’elle avait précédemment rejetés comme Roy Acuff. Nashville entre dans son ère moderne, et c’est du côté du bluegrass que se réfugient les derniers résistants au tout commercial-tout électrique : Bill Monroe (le chanteur-mandoliniste), Lester Flatt (le guitariste-guitariste) et Earl Scruggs qui révolutionne la technique du banjo. Les Stanley Brothers sont sur le coup et Carl Story, spécialiste du chant religieux, s’approprie le genre en position de missionnaire. Un panorama très excitant ! » Franck BERGEROT – LE MONDE DE LA MUSIQUE