Guignol, ce héros si populaire, est mal connu. Pourtant, les enfants prennent toujours autant de plaisir à ses actions et à ses coups de bâtons. La maison Frémeaux permet aux petits et aux grands d’écouter quatre malicieuses histoires dites par Daniel Mesguich et de combler ainsi nos lacunes (livret de 12 pages, avec CD). Une occasion d’explorer le monde riche de cette marionnette et de ce qu’elle exprime. (…) Il semblerait qu’en passant les Alpes, Girolamo, le burattino milanais, poupée de chiffon avec tête de bois, soit devenu Guignol à Lyon, prenant au passage le nom de la ville de Chignolo Po, qui dépendait du duché de Milan. D’autres étymologies ont été proposées, mais celle-là présente un intérêt historique, celui de l’introduction de l’industrie soyeuse à Lyon, sous François 1er. Et l’on sait que Laurent Mourguet, créateur de Guignol, vient d’une famille de canuts, ces ouvriers tisserands de la soie lyonnaise.
Les quatre histoires lues joyeusement par Daniel Mesguich sont adaptées des originales tirées du recueil de Jean-Baptiste Onofrio (1865) par Éric Herbette. Parmi elles, la célèbre histoire des couverts volés que l’on retrouve sous le titre L’anniversaire de Cassandre, un patron de Guignol. Elle est particulièrement intéressante parce qu’elle fait intervenir un élément magique, le génie du bien. Le choix des trois autres histoires est aussi bienvenu, donnant à chaque fois une caractéristique du personnage ou de son complice Gnafron, si fidèle en amitié (également le beau-père de Guignol, qui a épousé sa fille, Madelon). Ainsi dans Le Mariage de Guignol est-il question de pauvreté (vieille antienne des canuts), dans Le pot de confiture, de la gourmandise proverbiale de Guignol que les enfants apprécieront, et dans Chantera, chantera pas !, de sa distraction et du goût des deux compères pour la fête et les chansons. L’unité est donnée par Gnafron, qui raconte ses souvenirs de Guignol.
Paul Claudel disait de la marionnette que ce n’était pas un acteur qui parle mais une parole qui agit. Paroles et actes ne font cependant qu’un dans le théâtre de Guignol, où les personnages, loin d’être statiques, agissent portés par les paroles des manipulateurs. On pourrait même penser que les visages peints et sans mouvement des marionnettes de bois réalisent l’effet Koulechov avant la lettre : le visage de marbre de l’acteur associé à des images de faim, de tristesse ou de convoitise change d’expression pour le spectateur regardant un homme affamé, triste ou avide. Le spectateur, enfant comme adulte, verra dans le visage de Guignol sa gourmandise, sa faim, sa peur ou sa tristesse selon l’action. Il n’en va pas de même ici, dans la lecture que fait Daniel Mesguich, où l’art de l’acteur se passe de l’effet Koulechov ! Gnafron est bien triste de ne pas voir son cher ami, Guignol est bien rusé quand il veut manger la confiture, Scapin, méchant lorsqu’il accuse Guignol. Daniel Mesguich fait entendre toutes ces voix, y compris celle de Madelon, ou du bébé qui vient de naître dans Chantera, Chantera pas !. Les textes sont accompagnés de l’accordéon de Gaby Levasseur, bien propre à traduire l’ambiance sonore du petit peuple lyonnais. Cette belle réussite ouvre en outre de nombreuses pistes de travail, théâtrales bien sûr, d’appropriation de la langue mais aussi d’ouverture vers d’autres pays, où l’on retrouve des équivalents de Guignol, en Europe, en Turquie, en Iran ou ailleurs : la marionnette dit ce que les spectateurs ont peur d’exprimer !
Par Marie-José MINASSIAN – EDITIONS NATHAN (LEA)
Les quatre histoires lues joyeusement par Daniel Mesguich sont adaptées des originales tirées du recueil de Jean-Baptiste Onofrio (1865) par Éric Herbette. Parmi elles, la célèbre histoire des couverts volés que l’on retrouve sous le titre L’anniversaire de Cassandre, un patron de Guignol. Elle est particulièrement intéressante parce qu’elle fait intervenir un élément magique, le génie du bien. Le choix des trois autres histoires est aussi bienvenu, donnant à chaque fois une caractéristique du personnage ou de son complice Gnafron, si fidèle en amitié (également le beau-père de Guignol, qui a épousé sa fille, Madelon). Ainsi dans Le Mariage de Guignol est-il question de pauvreté (vieille antienne des canuts), dans Le pot de confiture, de la gourmandise proverbiale de Guignol que les enfants apprécieront, et dans Chantera, chantera pas !, de sa distraction et du goût des deux compères pour la fête et les chansons. L’unité est donnée par Gnafron, qui raconte ses souvenirs de Guignol.
Paul Claudel disait de la marionnette que ce n’était pas un acteur qui parle mais une parole qui agit. Paroles et actes ne font cependant qu’un dans le théâtre de Guignol, où les personnages, loin d’être statiques, agissent portés par les paroles des manipulateurs. On pourrait même penser que les visages peints et sans mouvement des marionnettes de bois réalisent l’effet Koulechov avant la lettre : le visage de marbre de l’acteur associé à des images de faim, de tristesse ou de convoitise change d’expression pour le spectateur regardant un homme affamé, triste ou avide. Le spectateur, enfant comme adulte, verra dans le visage de Guignol sa gourmandise, sa faim, sa peur ou sa tristesse selon l’action. Il n’en va pas de même ici, dans la lecture que fait Daniel Mesguich, où l’art de l’acteur se passe de l’effet Koulechov ! Gnafron est bien triste de ne pas voir son cher ami, Guignol est bien rusé quand il veut manger la confiture, Scapin, méchant lorsqu’il accuse Guignol. Daniel Mesguich fait entendre toutes ces voix, y compris celle de Madelon, ou du bébé qui vient de naître dans Chantera, Chantera pas !. Les textes sont accompagnés de l’accordéon de Gaby Levasseur, bien propre à traduire l’ambiance sonore du petit peuple lyonnais. Cette belle réussite ouvre en outre de nombreuses pistes de travail, théâtrales bien sûr, d’appropriation de la langue mais aussi d’ouverture vers d’autres pays, où l’on retrouve des équivalents de Guignol, en Europe, en Turquie, en Iran ou ailleurs : la marionnette dit ce que les spectateurs ont peur d’exprimer !
Par Marie-José MINASSIAN – EDITIONS NATHAN (LEA)