Des haïkus, on en a lu, on en a aimé certains plus que d’autres, on a pu désirer en écrire soi-même et croire que cette forme brève était à notre portée. Avait-t-on cependant imaginé qu’il eut été possible d’en lire à voix haute et qu’on pût même avoir l’idée d’enregistrer Bashô, Busson, Issa ou Shiki comme on enregistre Hugo, Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud ? Leur lecture exige une certaine lenteur, entre chacun un long silence et, de façon générale, une disposition d’esprit à laquelle leur trop grand nombre pourrait être fatal.
Le lever du jour
Tournoyant dans la brume,
La voix de la cloche.
On n’a pas oublié le très beau texte que Philippe Jaccottet consacra en 1960, dans la Nouvelle Revue française, à l’anthologie du haïku en quatre volumes de l’érudit R.H. Blyth, texte repris en 1987 dans Une transaction secrète. Les haïkus, dans notre mémoire, lui doivent une part de leur lumière. Ecartant tout ce qui nous sépare de ces poèmes (langue, culture, religion, histoire) Philippe Jaccottet se propose de cerner ce qui en eux nous fascine : « Une poésie dont le ton se maintient à égale distance de la solennité et de la vulgarité, de la singularité et de la platitude. » Et l’écrivain de voir dans ce « comble de limpidité » une leçon de morale dont notre poésie moderne aurait « le plus pressant besoin ».
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Barthes le comprend comme un exercice spirituel consistant à « suspendre le langage, à casser cette sorte de radiophonie intérieure qui met continûment en nous, jusque dans notre sommeil (peut-être est-ce pour cela qu’on empêche les exercitants de s’endormir) à vider, à stupéfier, à assécher le bavardage incoercible de l’âme ».
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Barthes le comprend comme un exercice spirituel consistant à « suspendre le langage, à casser cette sorte de radiophonie intérieure qui met continûment en nous, jusque dans notre sommeil (peut-être est-ce pour cela qu’on empêche les exercitants de s’endormir) à vider, à stupéfier, à assécher le bavardage incoercible de l’âme ».
La question est donc désormais la suivante : la lecture de ces haïkus par la comédienne et chanteuse Dani, sur fonds de cris d’oiseaux ou de petits animaux accusant la solitude de la forêt, réussit-elle à nous retenir sur le « bord antérieur du langage », à nous délivrer de notre radiophonie intérieure ? A chacun de répondre. Cette anthologie est plutôt une invitation à éclairer parfois un malaise, parfois une heureuse surprise, à la lumière des analyses du poète et du sémiologue.
par Jérôme SERRI - LIRE