Après des compilations sur les musiques caribéennes (calypso, goombay, mento), Frèmeaux s’attarde en Jamaïque avec un double CD consacré au rhythm and blues local, qui évoluera naturellement vers le ska, le rock steady puis le reggae. 44 titres pour prendre conscience de l’influence, via les radios et les disques, du R&B de la Nouvelle-Orléans mais aussi et surtout de Memphis, de l’importance des animateurs locaux qui ont su contourner les obstacles, prix élevé des disques importés en l’absence de circuit officiel de distribution, déficience des infrastructures publiques, en construisant les fameux « sound systems » pour jouer les « dub plates », sans oublier de tenter de verrouiller le système à leur profit. Le livret fouillé de Bruno Blum met tout cela en perspective depuis la musique mento, le lien avec l’Ethiopie et le mouvement rasta, l’apport de la culture locale aux musiques importées, chant, forte présence du trombone, des tambours, en passant par la mise en avant de la basse en raison de la mauvaise qualité des sounds systems, jusqu’à l’apparition des premiers noms importants, Laurel Aitken, Count Ossie, Prince Buster, Desmond Dekker, Don Drummond. Musicalement, c’est du R&B grand teint, sommairement produit, mais d’un niveau tout à fait comparable à ce qui se fait aux Etats-Unis, avec d’excellents chanteurs et solistes. Le rythme chaotique de Roscoe Gordon est étonnamment présent, et lorsque les temps marqués au piano le seront par la guitare ou le trombone, c’est le ska qui prendra son envol. Une très belle compilation à laquelle on espère une suite pour mesurer l’influence éventuelle du doo-wop sur le ska, il y en a clairement chez Desmond Dekker, et de Bo Diddley, souvent cité, sur le reggae.
Par Christophe MOUROT – SOUL BAG
Par Christophe MOUROT – SOUL BAG